Des bledars dans la ville
Etant obligé d'avoir recours à cet engin appelé à tort taxi, pour des considérations purement personnelles, j'ai pris mon temps à observer les transformations générationnelles du métier même de taxi driver.
Le type bien rasé parfumé en costume cravate reléverait de l'imaginaire hollywoodien exactement au même titre que la coeliochirurgie chez nos toubibs dans les hopitaux périphériques, le C + + chez nos amis développeurs ou la fidélité chez certains couples.
Le chauffard respectueux civique à l'extrême, poli et citadin par excellence a tendance à s'éclipser et laisser sa place (son levier de vitesse enfin)à une nouvelle caste de taximens antipathiques par excellence.
Le taxi driver d'aujourd'hui t'oblige à te munir de toutes les sous-unités du dirham sous caution de se voir perdre de précieuses minutes à chercher la monnaie chez les épiciers du boulevard.Alors parler de paiement par carte bancaire dans ces conditions là justifierait un scanner cérébral réalisé en illico..adieu la monétique!!
A maintes reprises,le taximan t'obligera à partager avec lui le courant secondaire de la fumée de sa mi-cigarette/mi-joint, les gouttelettes de ses salves d'éternuements ou encore ses discours amoureux avec sa copine assise dans le banc avant le samedi soir.
Le phénomène ne touche pas seulement les taximens qui ont dûment participé à la lutte pour l'indépendance du maroc (c'est l'argument que tout le monde avance pour défendre un corps de métier comme si on oublie comme même les prostituées de tanger ont participé à cette lutte),mais il touche pratiquement tout le monde.
Le médecin corrompu, l'informaticien/hacker, le banquier/voleur, le député/ ignorant, le politicien/ menteur.Le taximan blanc, le taximan rouge, le taximan bleu (Tiens je reviens aux taximens!!).
Le constat est amer,la décadence des valeurs citadines est à son apogée.
La ville qui a longtemps absorbé l'élite rurale dans un processus naturel de cooptation se trouve de plus en plus contrainte à se défendre contre une ruralisation massive touchant le paysage, le langage, les moeurs, les gestes, les valeurs et les esprits.
Et dire massive n'est pas du tout déplacé car le courant est à la fois intrinséque et extrinséque.
N'est ce pas le prix à payer aprés des années d'une ruralisation forcée pour maintenir des équilibres politico-sécuritaires précaires?
NB:Le texte de ma chronique hebdomadaire sur "le Courrier du Nord"