les Mozarts de la route
Je ne comprends pas, pourquoi je me
retrouve à chaque fois amené à parler d'eux.
Un, deux, trois, quatre voire cinq
textes, traitants partiellement ou totalement d'eux dans un laps de
temps n'excédant pas les deux ans.
Si cela témoignerait d'une
chose, c'est tout simplement de mon émerveillement à
l'égard de leur race très particulière qui a
résisté aux aléas du temps sans lifting, à
la flambée de prix de pétrole sans lobying et la
dégradation du paysage urbain.
Je ne parle là ni des sacrés
toubibs, ni des respectueux avocats encore moins des vénérables
prostituées des esplanades municipales.
Mon délire/dérision de la
semaine aura comme objet de description un métier aux
caractéristiques très particulières: Les taxi
drivers.
Bleus, blancs, rouges..ils sont
multicolores dans une exercice de pluralité à rendre
jaloux les partisans du parti unique.
Multicolores peut-être, mais sans
, pour autant, être camélionistes voilà la
différence avec les dinosaures politico-syndicalistes.
Jeunes ou moins jeunes, citadins ou
bledars, arrongants ou respectueux, analphabétes ou
polyglottes.
Ils jouissent d'une grande diversité,
d'une richesse intrinséque incomparable rendant impraticable
toute démarche de catégorisation de leur confrérie.
Transfuges, ils se sont souvent
réconvertis au volant après des carrières plus
ou moins hasardeuses dans divers secteurs.
La confrérie des taximen
drainent les regards curieux sans être hermétique.
Les « was born taximen »
sont peu nombreux voire même inexistants.
Le métier étant
maîtrisable au bout d'un processus hasardeux d'autoformation,
la maîtrise des secrets du métier se fait souvent au
prix de multiples infractions au code de la route.
Les taximen chevronnés auraient dû
cumuler un chiffre astronomique en terme d'infractions, même
les magnats de la marocanisation du secteur industriel ne peuvent
prétendre les rivaliser là dessus.
Côtoyant de très près
des dizaines d'étudiants, des centaines de charlatans , des
milliers de prostituées, et des millions de fonctionnaires
fantômes; le taximan peut se targuer d'être un véritable
baromètre du peuple.
Dieu seul sait combien l'état
major des services secrets, s'en servirait pour évaluer
l'opinions publique et détecter les tendances.
Les instituts de sondages de qualité
étant quasi-inexistants, l'habitacle du taxi demeure un
véritable laboratoire à exploiter.
Le mosaïcisme de la confrérie
des taximen la rend fidélement représentative de la
réalité locale.
Mes anecdotes avec nos braves héros
du payasage urbain sont multiples, et sont toutes significatives.
Du barbu qui a « brûlé »
le feu rouge sous pretexte que le code de la route est satanique
émanant de l'occident impi au quinquagénaire qui , à
1 heure du matin, me proposa l'accompagner pour épouser sa
fille de 16 ans, des profils comme moi n'existent pas partout (sic!).
En passant par le retraité qui
conduit pour ne pas avoir à s'ennuyer dans sa demeure, le
proxénète qui me proposa une passe avec un preservatif
en bonus, l' « afghan » qui me somma
d'écouter un flôt de débilités
enregistrés sur une cassette.
Sans oublier bien sûr, les
milliers d'analystes politiques, les altérmondialistes, les
pro-sadam, les pro-PJD, les commentateurs sportifs, les entraîneur
clandestins et les nostalgiques.
Parlant des nostalgiques, un chapeau
bas au réalisateur français qui a eu l'idée de
génie de partir à la recherche du proprio du taxi
immatriculé numéro 1 à Casablanca.
Une invitation ouverte pour préserver
la richesse que représente ces anciens combattants de la
route.
Ces anciens taximens qui ont su comment
créer leur propre symphonie, une symphonie de la route,
héroique malgré les fausses notes sanglantes de temps à
autres.
NB:Texte de ma chronique publiée sur le Courrier du Nord